Sachant que je vais avoir besoin de
thunes, je farfouille dans les hautes herbes, je ratiboise les plantations des
voisins, casse leurs poteries jusqu’à
obtenir une coquette somme de quarante rubis. Je me dirige ensuite vers le chef
du village qui me barre le passage vers le vénérable grand arbre. Soi-disant
que je n’ai pas la tenue adéquate pour aller le rencontrer (et peu importe si
c’est lui qui m’a demandé de venir le voir). Il me faut donc aller à la
boutique locale pour récupérer un bouclier en bois digne de ce nom. Connaissant
le coin comme ma poche, je m’invite dans la place… pour découvrir que je suis
rentré dans la maison d’un pote. Demi-tour droite, je repars en sens inverse
pour me rendre compte que je suis de nouveau sur la mauvaise pente. Je me pose,
observe les alentours et retrouve la fameuse baraque au toit rouge dans
laquelle se trouve mon Graal. J’achète donc mon bouclier, récupère mon canif et
va faire mon fier devant le patron qui va bouder dans son coin. Papotage avec
le grand arbre qui m’annonce qu’il va calancher sous peu mais que ce serait
bien que je vienne nettoyer la vermine de son tronc d’arbre. C’est donc armé
jusqu’aux dents que je m’en vais botter les fesses des araignées qui grouillent
sous l’écorce.
Passons sous silence le fait que je me
sois fait mettre K.O. par une petite plante carnivore (elle avait le crâne plus
dur que le mien) et que je me sois fait aplatir par un scarabée borgne géant
pour enchaîner avec la suite. L’intérieur de son tronc passé au lance-flamme,
le vieil arbre me raconte une dernière histoire avant de s’effriter sous mes
yeux. Tout juste le temps de me coller la destinée du pays sur les épaules afin
que je puisse continuer à dormir tranquille. En repartant, on me lance des noix
parce que j’ai dézingué le plus grand platane des environs ce qui m’oblige à
fuir lâchement la forêt. Ma meilleure amie me laisse cependant un cadeau
d’adieu : un ocarina dans lequel elle a sûrement craché un nombre
incalculable de fois (mais c’est une super copine). Et me voilà, libre comme
l’air, à l’assaut d’un monde « que je ne connais pas », pour aller
dans un château « inconnu », rencontrer une princesse « que je
n’ai jamais vue » (tout ça entre guillemets parce que j’ai déjà fait tout
ça lors de mes cinq vies antérieures). Mais avant, je dois papoter avec un
vieux hibou qui parvient à se briser la nuque sans mourir.
Requinqué à bloc, je galope sur mes
petites gambettes en direction du château. Bien sûr, comme j’arrive de nuit, on
me claque le pont-levis au nez. Il ne me reste plus qu’à pourfendre des
squelettes de romains au crâne hippopotamesque en attendant le lever du soleil.
Le pont-levis redescend, je m’élance joyeusement en direction de la place du
marché. Et là, c’est le drame ! Figé sur place, je réalise enfin ce que
mon cerveau tentait manifestement de me cacher. Le monde a changé. Mon monde a
basculé. La porte de la salle des gardes habituellement à droite est maintenant
à gauche. Le frisson s’amplifie lorsque je mets un pied sur la place du
village. Tout est absolument sans dessus-dessous. La grosse dame qui perd
régulièrement son chien est passée sur ma gauche, le temple du temps également,
tout comme la boutique des masques. Et les choses se compliquent dès lors que
je poursuis mon chemin vers le château. Mes repères sont si perturbés que je ne
remarque plus la plante grimpante qui me permettait d’atteindre le haut du
parapet pour m’infiltrer sur le territoire des gardes les plus miros de tout le
royaume.
L’axe gauche-droite est donc totalement
inversé, me faisant revoir entièrement la géographie de ce pays que je
connaissais comme ma poche. En sortant du château, je ne retrouve plus le petit
pont qui mène au village de la nourrice de la princesse. Je mets une éternité à
voir le ranch de cette jeune fermière rousse, qui est simplement excentré sur
ma gauche (encore). Je ne sais plus quel chemin prendre lorsque je m’échappe du
trou où se trouve la vache du volcan local. Le chemin d’accès au cimetière du
père Igor est une redécouverte totale (était-il donc si près du mur ?).
Pire, je me perds dans les Bois Perdus, alors que la bonne route était gravée
dans ma mémoire. Mon cerveau fait du hula-hop en permanence pour m’aider à me
repérer dans ce nouvel espace.
Pourquoi ? Mais pourquoi les
Déesses se sont-elles amusées à me faire subir ça ? Surtout que je serai
bien capable de m’y habituer pour finalement trouver que le monde qui est à
l’endroit est à l’envers. Inadmissible. Rendez-moi le cratère du dragon à
gauche, l’enclos des cocottes à droite et la ferme en face du pont-levis !
S’il vous plaît.
Et non, je n’ai pas fumé des
champignons, j’ai simplement découvert Zelda : Ocarina of Time Master
Quest sur 3DS.
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